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Louis STARITZKY

La recherche comme expérience(s). Vers une sociologie des tentatives

Thèse soutenue en Sociologie à l’Université Paris 8 Vincennes Saint Denis le jeudi 5 janvier 2023

Devant un jury composé de :

Serge BRIFFAUD, professeur, École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux (rapporteur) ; David JAMAR, chargé de cours, Université de Mons • Belgique (rapporteur) ; Patricia LONCLE, professeure, École des Hautes Études en Santé Publique, Rennes (présidente) ; Cécile LÉONARDI, maîtresse de conférences, École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (examinatrice) ; Izabel GALVAO, maîtresse de conférences, Université Sorbonne Paris Nord (examinatrice) ; Pascal NICOLAS-Le STRAT, professeur, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (directeur de thèse)

Cette thèse explore les enjeux politiques de la recherche-action à partir d’une sociologie des tentatives, une manière de faire recherche improvisée depuis les circonstances dans lesquels nous nous trouvons, afin d’agir dessus. C’est à partir d’une implication forte dans les quartiers populaires, que c’est vécu, pensé, écrit, élaboré, engagé ce travail, et c’est ici que nous avons tenter, par la recherche-action, d’agir collectivement nos droits politiques (le droit d’informer, d’écrire, de paroler, de documenter, d’enseigner, d’apprendre, de transmettre, de s’organiser, de faire, d’imaginer…).

La première partie de ma thèse, « vers un devenir commun des sciences sociales », développe l’idée d’une recherche-action existentielle et indisciplinée, qui selon la réjouissante expression de René Barbier, ne tiendrait plus sur les rails des sciences sociales. Il s’agira donc de montrer où nous emmène cette bifurcation. Nous verrons que c’est dans le devenir-complice du.de la chercheur-es que se joue une science sociale plus égalitaire et commune, plutôt que dans le devenir-allié.e de l’intellectuel.le engagé.e. Je tente ensuite de répondre, le plus clairement possible, à une question qui m’a souvent été posée : « Concrètement, ça sert à quoi une recherche-action ? » En complicité avec Audre Lorde, Silvia Federici, Donna Haraway et John Holloway épaulé par les lascars du LEP, je montre que nos recherche-action peuvent nous aider à : transformer le silence en parole et en acte, réenchanter le monde, vivre avec le trouble et empêcher nos univers de vieillir.

La deuxième partie de mon travail, « Une lecture éprouvée d’Henri Lefebvre », tente d’en finir, une bonne fois pour toutes, avec mon sujet de thèse de départ. Après avoir abandonné, à plusieurs reprises, l’idée d’une relecture critique des travaux d’Henri Lefebvre sur la ville, j’ai finalement trouvé les lieux depuis lesquels engager ce travail. C’est d’abord à partir de ma lecture de la pensée décoloniale issue de la résurgence autochtone en Amérique du Nord, qu’il m’a semblé possible de participer, à mon tour, au renouveau des études lefebvriennes sur la ville. J’ai été sensible à la manière dont cette pensée arrivait à caractériser la dépossession territoriale, notamment dans la façon dont Lisa K. Bates parle «  des territoires volés à des gens, et des gens volés à des territoires ». Cette manière de caractériser l’exploitation dans un continuum et un rapport de consubstantialité entre territoire et communauté humaine (et non humaine), m’a de suite paru importante et adéquate pour repenser le droit à la ville, notamment depuis les quartiers populaires, et à partir des discriminations systémiques qui façonnent leurs quotidiens et leurs histoires.

Par ailleurs, c’est aussi en tant que praticien de la recherche-action que j’ai pu apporter une lecture singulière et située de l’œuvre d’Henri Lefebvre, en proposant de lire sa critique de la vie quotidienne comme une invitation à nous mettre collectivement en recherche depuis nos situations de vies, et de comprendre son droit à la ville comme quelque chose qui s’expérimente par le bas à travers un processus de recherche-action permanent.

Pour finir, la dernière partie tente de caractériser plus spécifiquement l’idée d’une sociologie des tentatives, en compagnonnage des travaux de Fernand Deligny. Nous y apprendrons, des nouvelles manières de voir, de tracer, de dériver, de s’encorder, d’agir, qui me semble utile à nos démarches de recherche-action. Il s’agira aussi, dans cette dernière partie, de restituer quelques tentatives, à travers un large récit d’expériences, qui donne à voir comment se sont élaborées mes manières de faire recherche, notamment à travers la fabrication de fanzines, et la participation à une expérimentation politique et urbaine dans un quartier populaire du nord de la France.